L’adhérence du gecko | Le Monde de Demain

L’adhérence du gecko

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Dans les endroits chauds du globe, une petite créature étonne depuis des millénaires les êtres humains qui l’observent. Les « geckos » sont une famille de lézards qui possèdent de nombreuses caractéristiques uniques. Par exemple, cet animal ne peut pas cligner des yeux, c’est pourquoi il utilise sa langue pour les nettoyer et les humidifier. On le reconnaît aussi à ses bruits stridents et fréquents, voire énervants.

Mais tous les observateurs s’accordent à dire que sa caractéristique la plus étonnante tient de son habilité à marcher sans effort à la verticale, ou à l’envers sur les plafonds, bien que ses pattes ne soient pas adhésives et qu’elles ne possèdent aucune forme de ventouse. L’homme cherche à expliquer ce comportement depuis des siècles. Au 3ème siècle av. J.-C., le philosophe grec Aristote écrivit à propos du gecko : « Il grimpe très vite sur les arbres, et en tous sens, même la tête en bas » (Histoire des Animaux, livre 9, traduction Barthélemy Saint-Hilaire).

De nos jours, le secret de l’agilité des geckos commence à être compris et cela devrait permettre de nouvelles avancées technologiques dans les adhésifs, en développant même de nouvelles applications pour les programmes spatiaux.

Faire l’impossible

Si vous avez déjà eu l’occasion d’observer un gecko, vous aurez remarqué qu’il se déplace très rapidement, même sur des surfaces verticales. Le fait de se déplacer à la verticale implique de développer une force plus grande que le poids du corps devant être déplacé et il doit y avoir suffisamment de friction ou d’adhésion sur la surface afin que cette force puisse être appliquée. Un gecko peut se déplacer à la vitesse de 20 fois sa longueur par seconde, qu’il soit à la verticale ou la tête en bas sur un plafond ! Les pattes du gecko doivent adhérer à la surface d’une manière ou d’une autre, mais aussi relâcher cette surface aussi rapidement qu’elles y ont adhéré. « Les détachements répétés et rapides, sans qu’il n’y ait de force de détachement significative, dépassent toutes les capacités des adhésifs synthétiques actuels » (Oxford Journals, volume 42, numéro 6, page 1082).

À ce jour, l’humanité est encore incapable de reproduire le mécanisme que ce lézard utilise quotidiennement sans faire d’effort et sans y penser ! Quel est donc le secret du gecko ?

La clé de l’énigme semble se trouver dans la forme de la patte. Les cinq orteils qui la terminent sont recouverts de rangées de touffes de « poils » microscopiques, les sétules. Chacune de ces touffes peut se diviser en centaines de terminaisons minuscules, les spatules. Les scientifiques ont découvert que la longueur et la forme de ces structures, semblables à des cheveux, leur permettaient de créer une force électrostatique (les forces de van der Waals) qui se développe dès que l’orteil touche une surface. L’orteil développe immédiatement une charge positive et, puisque la surface a une charge négative équivalente et opposée, il en résulte une force d’attraction électrostatique permettant au gecko de tenir sur presque n’importe quelle surface.

Il faudrait une force de 130 kg pour déloger un gecko pesant environ 50 g, si celui-ci était fortement attaché avec ses quatre pattes. Cela explique pourquoi nous voyons parfois des geckos accrochés au plafond en n’utilisant qu’un seul orteil. Un gecko de 50 g possède environ 6,5 millions de sétules (cf. Les forces de van der Waals et le gecko, 2014, Culture Science-Chimie). Ainsi, 1 million de sétules pourraient tenir sur une pièce d’un centime et soutenir le poids d’un enfant.

Mais pourquoi le gecko ne se retrouve-t-il pas figé sur place en développant une telle force ? Comment peut-il soulever ses pattes qui adhèrent aussi puissamment sur une surface ?

Les spatules ne se collent pas à angle droit ; elles sont conçues pour toucher une surface à différents angles. La force semble être maximale lorsque l’angle est de 30°. Mais quand le gecko déplace sa patte, l’angle augmente et la force diminue rapidement, lui permettant de se déplacer vite.

P. Alex Greaney, professeur adjoint de génie mécanique à l’université de l’Oregon, explique : « Ces systèmes nanoscopiques et les forces en présence sont vraiment fascinants […] Ils sont non seulement basés sur la nature des sétules, mais aussi de leur angle d’inclinaison et de leur flexibilité, et de leur capacité à travailler sous une grande diversité de conditions de charge » (Washington Post, 12 août 2014).

Keller Autumn, biologiste au collège universitaire Lewis et Clarke dans l’Oregon, déclara à propos de ce phénomène : « Les geckos sont bien trop suréquipés » (New Scientist Live, David Robson, juin 2007), car un animal de 50 g a besoin d’utiliser seulement 3% des sétules pour tenir en place lorsqu’il grimpe – lui permettant de se suspendre avec une seule patte ! Les problèmes arrivent toutefois lorsque la surface devient mouillée, réduisant significativement l’efficacité de cette fascinante technologie d’adhérence.

Une inspiration pour de nouvelles technologies

Dans l’ensemble, l’efficacité de ce système d’adhérence dépasse de loin tout ce que les êtres humains ont pu concevoir. L’Agence spatiale européenne, la NASA et d’autres laboratoires travaillent à l’élaboration de « robots-geckos ». La NASA a déjà testé des prototypes utilisant des nanotubes en carbone, qu’ils espèrent pouvoir utiliser afin de permettre à leurs engins d’attraper des débris spatiaux. D’autres cherchent à utiliser ce principe pour développer des systèmes de freinage de pointe, ainsi que des mécanismes de collage-décollage pour de nombreuses petites applications où les limites des adhésifs traditionnels sont atteintes. Un projet de recherche essaie d’utiliser des nanotubes de carbone comme adhésif afin de remplacer les soudures dans les systèmes électriques, tandis que d’autres essaient de les utiliser pour refermer des plaies en douceur sans utiliser de points de suture.

Ainsi équipés, ces super-héros du monde des lézards sont prêts à affronter « Spiderman », l’homme-araignée ! Mais les geckos sont des créatures réelles, dont la science actuelle essaie de reproduire l’habilité technique afin d’améliorer son travail sur la Terre et dans l’espace.

À cause de notre mode de vie trépidant, beaucoup d’entre nous ne prennent pas le temps de faire une pause et de considérer les nombreux aspects remarquables et complexes des organismes qui peuplent notre monde. Parfois, nous voyons les grandes choses, mais nous ignorons souvent celles qui sont minuscules et imperceptibles. Cependant, ces formes de vie, petites mais complexes, nous rappellent le travail d’ingénieur mis en œuvre pour créer notre cadre de vie.

À notre époque, nous avons l’opportunité, plus que jamais auparavant, d’apprendre et d’apprécier le génie qui est si évident, y compris dans la conception du gecko – des aspects que la science moderne essaie de copier afin de mieux répondre aux défis de demain. Le Génie qui se trouve derrière l’adhérence du gecko, le brillant Ingénieur et Créateur des choses immensément grandes ou microscopiques, fut loué avec éloquence dans le livre des Psaumes : « Que tes œuvres sont en grand nombre, ô Éternel ! Tu les as toutes faites avec sagesse. La terre est remplie de tes biens » (Psaume 104 :24).

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