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Les innovations des insectes

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Vous avez probablement déjà vu des « insectes sauteurs » dans votre jardin ou pendant une promenade. Comme le nom « sauterelle » l’indique, les insectes de cette famille ont la capacité de sauter de feuille en feuille pour trouver de la nourriture et pour échapper à leurs prédateurs.

Leur profusion fait que nous n’y prêtons pas toujours attention – ce sont juste des insectes ordinaires. Mais ces insectes sauteurs ont capté l’attention des scientifiques à travers le monde, car ils sont de formidables exemples de génie mécanique ! Des experts en robotique, des ingénieurs et même des chercheurs militaires ont identifié plusieurs caractéristiques étonnantes de la mécanique de précision et du savoir-faire technologique de ces insectes, ainsi que des structures qui n’avaient été identifiées auparavant que dans des objets manufacturés.

Voyons ensemble trois caractéristiques de ces insectes « innovants ».

Survivre au décollage

Assister au lancement d’une fusée est une expérience impressionnante, mais pas autant que d’être à l’intérieur de celle-ci. Les astronautes sont exposés à des forces extrêmes au début de leur voyage. L’accélération des fusées spatiales provoque une pression de 3 G sur leur corps – c.-à-d. trois fois la force de la gravité. Cela signifie qu’un homme de 80 kg va alors s’enfoncer dans son siège comme s’il pesait 240 kg !

Le pilote d’un avion de chasse Rafale ou F-22 peut endurer des forces allant jusqu’à 9 G – le même individu aurait alors l’impression de peser 720 kg ! De telles forces obligent les pilotes à porter des combinaisons pressurisées afin que le sang continue d’irriguer le cerveau.

Cependant, selon les scientifiques, les pattes de la cicadelle verte (Cicadella viridis) génèrent plus de 15 G de pression sur le corps – presque 16 fois la force de la gravité (Journal of Experimental Biology, avril 2013). Cette caractéristique a attiré l’attention du Dr Cesare Stefanini et de ses collègues de l’institut de biorobotique de Sant’Anna, en Italie, qui se demandaient comment un décollage aussi brutal ne détruisait pas les pattes de l’insecte ou ne laissait pas de trous dans la feuille servant de tremplin.

En utilisant des caméras ultra-rapides pour filmer les sauts des insectes, ils ont découvert que les muscles du corps et les segments des pattes travaillent dans une coordination remarquable. Les muscles du thorax (le corps de l’insecte) génèrent la puissance nécessaire pour l’envol. Cette force est transmise à travers le fémur et le tibia (les deux segments des pattes) qui poussent sur la feuille et permettent le décollage.

Alors que cette puissance hautement variable générée par les muscles de l’insecte est transmise au fémur, celui-ci se tord et pivote de telle façon que la force devienne plus progressive et constante, poussant délicatement le tibia contre la feuille et propulsant l’insecte en toute sécurité dans les airs, sans endommager la feuille d’où il décolle. Sans ce mécanisme subtil de transfert et de conversion – d’une force variable vers une force constante et progressive – le pic de puissance musculaire détruirait les pattes de l’insecte ou les propulserait à travers la feuille sur laquelle elles reposent. Mais cette « innovation » leur permet de canaliser cette puissance gigantesque pour effectuer un bond gracieux et remarquable.

Des roues dentées

La cigale Issus coleoptratus a également attiré l’attention des scientifiques en raison de sa conception surprenante. Comme la cicadelle, cet insecte se déplace rapidement grâce à des sauts puissants. Les jeunes individus peuvent même sauter jusqu’à 100 fois leur propre longueur. Imaginez un enfant de 60 cm qui sauterait au sommet d’un immeuble de 20 étages ! Cette capacité implique une coordination remarquable : les deux pattes doivent s’élancer à 30 microsecondes de différence – c.-à-d. 30 millionièmes de seconde. Autrement, la force de leur saut les propulserait à droite ou à gauche, mais pas devant elles. Cela pourrait faire la différence entre sauter loin d’un prédateur ou se diriger droit sur lui !

Les cellules nerveuses de l’insecte ne sont pas assez rapides pour lancer les pattes avec une telle précision, alors comment la jeune Issus coleoptratus synchronise-t-elle ses pattes pour sauter ?

Le zoologiste Malcom Burrows a découvert que l’insecte possède des pièces très courantes dans l’ingénierie et le design humain, mais encore jamais observé en biologie – un engrenage avec des dents entrecroisées ! Les roues dentées forcent les pattes à effectuer simultanément un mouvement contraire. Cette coordination mécanique garantit une action synchronisée.

Les photos en gros plan et les micrographies par balayage électronique révèlent ce fonctionnement qui ressemble à ce que nous pourrions voir dans une montre ou tout autre mécanisme créé par les humains. Mais un autre Concepteur est responsable de ce design. L’invention des engrenages a été une étape majeure dans le génie mécanique, mais ces cigales avaient une longueur d’avance en les utilisant bien avant nous !

Un dispositif de camouflage

Les moyens de locomotion ne sont pas le seul domaine dans lequel les insectes sauteurs présentent des designs extraordinaires. Certains d’entre eux sont aussi des maîtres du camouflage de haute technologie qui ferait envie à n’importe quelle armée dans le monde.

De nombreux insectes sauteurs produisent des brochosomes – des microparticules qu’ils étalent sur leurs ailes et leurs œufs. Ces particules ont une structure microscopique très complexe qui les rend super hydrophobique – c.-à-d. qui repoussent l’eau afin de maintenir au sec les ailes et les œufs. Mais des ingénieurs de l’université Penn State soupçonnaient que ces microparticules procuraient un autre avantage encore inconnu.

Ils avaient noté la similarité entre les brochosomes des insectes et les microsphères synthétiques qu’ils avaient eux-mêmes conçues en laboratoire. Ces microsphères étaient percées de trous minuscules faisant la même taille que la longueur d’onde de la lumière. Par conséquent, ce matériau peut capturer jusqu’à 99% de la lumière en l’empêchant de réfléchir à sa surface.

La ressemblance structurelle incita ces ingénieurs à étudier ces microparticules avec une simulation de la vision des insectes. Il devint alors évident que la couche de brochosomes hydrofuges agissait aussi comme un « dispositif de camouflage » de haute technologie, rendant ces insectes et leurs œufs invisibles aux prédateurs.

Les matériaux synthétiques développés en laboratoire avaient demandé « un processus plutôt complexe en cinq étapes impliquant un dépôt électrochimique » (Penn State News, novembre 2017). Cependant, sans aucun équipement de laboratoire ni aucune équipe scientifique, ces insectes sauteurs accomplissent cette prouesse technologique au quotidien – en utilisant une méthode défensive que l’humanité commence seulement à découvrir.

Une vitrine technologique

L’humanité est très intelligente et nos réalisations technologiques sont impressionnantes ! Mais notre capacité à concevoir et à innover n’est que le reflet de l’intelligence de notre Concepteur, dont les merveilles d’ingénierie sont visibles tout autour de nous si nous faisons l’effort de les identifier.

La prochaine fois que vous verrez un petit insecte sauter de feuille en feuille, prenez le temps d’apprécier ce que vous voyez vraiment : un exemple remarquable de design et de technologie de pointe, ainsi qu’un rappel que le grand Ingénieur de la vie a beaucoup de choses à nous enseigner.

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